Bases de la génétique des couleurs et des maladies liées (partie 3)
Nous avons étudié le fonctionnement des gènes des robes de pigmentation et de dilution. Attaquons-nous maintenant aux gènes gris, blanc et pie.
Les destructeurs et dominateurs
Le gris, créateur de cancers
Le gris noté G est un gène dominant qui s’exprime à l’état hétérozygote. J’ai même envie de dire que c’est un super dominant, car il écrase TOUS les autres gènes de couleurs ! Il suffit d’un seul gène G pour que votre cheval soit uniformément gris, quels que soient les autres gènes de couleurs présents sur les chromosomes.
Ce n’est pas un gène de couleur, c’est un gène destructeur. C’est à dire qu’il ne contrôle pas une dose des deux pigments du cheval ou un degré de dilution, mais qu’il détruit les pigments.
Le poulain nait avec sa robe de base, celle exprimée par les autres gènes : bai brun, alezan crins lavés, crème… Puis s’il est porteur du gène gris, celui-ci fera d’abord effet sur le contour des yeux en grisonnant cette zone, puis va s’étendre sur tout le corps et les crins plus ou moins rapidement. Le cheval va donc grisonner pendant sa croissance, jusqu’à devenir visuellement “blanc”.
Poulain Camargue, né alezan, commence à s’éclaircir (contour des yeux)
Jeune Camargue gris à gauche, Camargue plus âgé déjà “blanc” à droite
Le problème, c’est que cette saleté de gène ne détruit pas que les pigments… Il détruit aussi d’autres cellules qui vont se manifester sous forme de mélanomes. Certains de ces mélanomes sont bénins, d’autres sont cancéreux.
Plus le cheval avance en âge, plus le gène gris détruit les pigments et plus les mélanomes apparaissent. Ils se situent en majorité dans les zones sans poils : dessous de la queue, organes génitaux, intérieur des cuisses… pour les mélanomes visibles. Car les organes internes du cheval sont aussi touchés. Les chevaux gris sont condamnés par le gène G qui multiplient les mélanomes au fur et à mesure des années, aussi bien en externe qu’en interne.
Mélanomes
On comprend donc qu’à qualité comparable un cheval gris vaille moins cher qu’un cheval sans gris. L’apparition de ce gène est une erreur de la nature, un cheval gris à l’état sauvage est le plus facilement repérable par les prédateurs, la sélection naturelle aurait donc fait disparaitre ce gène. Mais c’était sans compter sur l’intervention de l’homme ! Qui trouva immensément chic d’avoir dans ses écuries des chevaux d’un “blanc neige”…
Je ne peux que vous recommander de ne pas faire reproduire de chevaux gris, à part si vous élevez des Camarguais ou du Lipizzan pour Vienne auxquels cas vous n’avez pas tellement le choix. Ou si vous êtes un chercheur travaillant sur les mélanomes et cellules cancéreuses…
Les Lipizzans n’existent pas qu’uniquement en gris !
Le Dominant White, le gène gros b0rdel
Accrochez-vous, on va parler maintenant d’un petit malin : le gène dominant hétérozygote W, Le Dominant White.
Le W n’est pas un gène destructeur qui détruit les pigments, il annule tout simplement la pigmentation soit du cheval tout entier, soit de certaines zones sur le cheval. C’est pour cela que les chevaux avec G naissent avec leur robe de base et s’éclaircissent avec l’âge, alors que les poulains avec W naissent avec leur couleur définitive.
Il n’agit pas d’une unique façon car le W se décline en … 33 formes. Il est étudié chez les chevaux qui naissent blanc uni ou presque uni alors qu’aucun de ses parents n’est blanc, sans gène G. Chez tous ces chevaux étudiés, il existe une mutation spontanée du gène W, qui prend l’une des 33 formes de W observées à ce jour et sur lesquelles les scientifiques s’arrachent les cheveux. D’ailleurs, ils ont numéroté les possibilités de W1 à W34 en sautant le W29… #oups #boulette
Le Dominant White peut apparaître là où on l’attend le moins ! Voici la Pur-Sang Sodashi
Dans ses formes les plus puissantes, le cheval est d’un blanc pur avec la peau rose, des sabots très clairs et des yeux bleus. Visuellement, c’est chouette. Côté santé, ça l’est beaucoup moins ! En effet une peau rose est non pigmentée est soumise à toutes les agressions du soleil. Ces peaux sont très sujettes aux irritations, champignons, brûlures et cancers de la peau. Les yeux bleus sont photosensibles, le soleil les agresse et peut créer des uvéites. Les chercheurs ont noté également que certaines formes de W peuvent générer de l’anémie chez le cheval.
Mais il existe un autre gros problème avec ce gène : il y a plusieurs versions de W (et les chercheurs n’ont pas encore bien défini lesquelles) qui à l’état homozygote sont létales : c’est le “lethal white”. C’est à dire que si un poulain hérite du patrimoine génétique W/W, il mourra pendant la gestation ou quelques heures après sa naissance. On évitera donc de croiser deux chevaux porteurs de W.
A l’inverse des gris, les poulains W naissent avec leur robe définitive
Les gènes tâches
Les gènes pies créent des tâches blanches plus ou moins étendues sur le corps du cheval. Ces gènes n’agissent pas comme le gris en détruisant les pigments mais comme le gène W : en empêchant dès le départ la pigmentation de certaines zones du corps, des crins, de la peau et des sabots. D’ailleurs, certaines gènes comme le sabino et le rouan sont étroitement liés à W et se situent sur la même paire de chromosome dans l’ADN.
Tobiano, la star des pies
Le gène dominant Tobiano noté TO est le gène le plus répandu de pie. Il s’additionne aux gènes de couleurs du cheval et lui crée des tâches blanches plus ou moins étendues. Au moins une partie des tâches blanches traversent le dos du cheval dans le cas du tobiano.
Ce gène est très fréquent chez les poneys et les chevaux américains. Longuement boudé par le marché du sport européen, le gène tobiano avait disparu des lignées. Mais depuis quelques années, l’originalité est à la mode et ce gène est réintroduit dans les lignées de sport avec notamment les étalons Limbo et Utah Van Eperkom. On commence à les voir donc sur les très grosses épreuves, comme la jument Catapulte montée par Michel Robert ou Ulyss Morinda sous la selle de Rik Hemeryck.
Les chevaux de sport pie homozygote sont actuellement très recherchés pour la reproduction, puisqu’ils assurent d’avoir un poulain pie qui devrait avoir des prédispositions sportives.
Catapulte, la partenaire haute en couleurs de Michel Robert
L’overo, surtout pas homozygote
Le gène dominant overo noté O est fréquent chez les chevaux américains, Quarter Horse notamment. Ce gène crée des marques blanches sur n’importe quelle robe de base du cheval, mais à l’inverse du tobiano ces tâches ne franchissent jamais la ligne du dos et ne s’étendent pas sur les membres.
Les chevaux sont forcément Overo hétérozygote (1 seul gène Overo sur la paire de chromosomes), car l’Overo est soumis au Lethal White du W. Les poulains Overo homozygotes naissent entièrement blancs et avec une malformation du tube digestif qui ne lui permet pas de survivre plus de 3 jours après la naissance.
On ne croise donc jamais deux reproducteurs Overo ensemble, et si vous avez un doute en croisant deux chevaux pies ensemble il vaut mieux faire un test ADN afin de vérifier à quels gènes de pie on a affaire.
Vaqueros Delite, Paint overo
Tovero, comme des Lego
Le gène Tovero … n’en est pas un ! Il s’agit de l’expression simultanée d’un cheval à la fois Tobiano et Overo.
Visuellement, le cheval a des tâches traversant la ligne de dos ainsi que d’autres tâches qui se limitent à l’encolure, les flancs ou la croupe. Le blanc est parfois prédominant à 90% chez les chevaux tovero, la robe de base ne sera plus visible que sur une partie de la tête ou de la croupe.
Un cheval tovero étant porteur de l’overo, on ne le croisera jamais avec un autre cheval overo ou tovero pour éviter le “lethal white”
Petey Gun, Quarter Horse tovero
Sabino, gène éclaboussure
Le gène Sabino noté SB fonctionne avec le gène W. Il existerait plusieurs variantes de ce gène Sabino, comme pour le W, qui paraissent Dominants. Les recherches n’ont pas terminé de révéler tous les secrets de ce gène.
Visuellement, le sabino crée des “éclaboussures” de poils blancs sur la robe de base du cheval, notamment sous le ventre ou sur les flancs.
Le sabino joue aussi au Légo, il peut s’additionner à d’autres formes de pie
Amoureux de la couleur, voici le Welsh cob Storhaug Gerwyn, alezan brûlé crins lavés balzan sabino
Balzan, petit bidou blanc
Le gène Balzan est noté SW, car il est nommé Splashed White en anglais. Vous l’avez deviné, W est encore concerné ! Il existe dans différentes déclinaisons de SW qui colore le ventre en blanc sur une surface plus ou moins grande, donne au cheval de grandes balzanes et du blanc sur la tête, avec au moins un oeil bleu.
Certaines recherches scientifiques avancent que 2 formes du balzan sur 3 sont léthales à l’état homozygote, les embryons des poulains sont non viables. Par précaution, on évitera donc de croiser deux chevaux porteur du gène SW.
Spooks Gotta Splash, QH balzan
Rouan, l'envahisseur saisonnier
Le gène Rouan est dominant et est noté Rn. Il agit sur la robe de base dès la naissance, comme le gène W donc et non pas par destruction progressive des pigments comme le gris. La communauté scientifique écrit que le Rouan n’évolue pas avec l’âge du cheval, par contre l’effet visuel des rouans change avec les saisons. En effet les poils blancs se voient mieux l’été et le cheval semble plus clair. A l’inverse en hiver, les poils blancs se retrouvent dissimulés dans le dense poil d’hiver, le cheval paraît donc plus foncé.
Le rouan n’affectant pas la tête ou très peu, on peut visuellement le confondre avec le dun. Un indice précieux : les chevaux duns ont une raie de mulet, caractéristique qu’on ne trouve pas chez les rouans. Mais la seule façon d’en êtres certains reste d’effectuer un test génétique.
Les chercheurs, ne trouvant pas d’homozygotes Rn dans leurs premières études, ont conclu que le Rn était affecté par le lethal white… Présomption aujourd’hui réfutée puisque les nouvelles recherches ont testé génétiquement des chevaux RN/RN parfaitement sains.
Rouan sur base alezane
Rouan sur base noire
Rouan sur base baie
Complexe léopard, gène décomplexé
Le gène léopard est noté Lp et est dominant. C’est un gène écrit comme complexe car les chercheurs décrivent plusieurs variantes de gène Lp et au moins autant d’expressions visuelles différentes sur le cheval.
Lp fait apparaître des motifs blancs, généralement symétriques, qui commencent sur les hanches et la croupe. Il est à l’origine des tous les chevaux communément décrits comme “appaloosa” : en cape, capé taché, léopard, flocon de neige…
Lp agit comme W, il empêche la pigmentation dès le départ le poulain né donc avec ses tâches. Le Lp n’est pas soumis au lethal white, on peut avoir des Lp hétérozygotes comme homozygotes. Fait original, à l’inverse du crème qui a un effet plus fort à l’état homozygote (CR/CR) qu’hétérozygote (CR/cr), le Lp crée des tâches plus grandes et plus abondantes à l’état hétérozygote. Les Lp homozygotes ont des tâches plus petites et plus rares.
Le Lp fait apparaitre des motifs blancs mais aussi des sabots striés, une peau marbrée et une sclérotique, c’est-à-dire du blanc autour de l’oeil.
Le Lp à l’état homozygote altère la vision des chevaux dans des espaces faiblement éclairés, soyez donc indulgents avec vos “tâchus” qui hésitent à entrer dans des barns ou des camions. Le phénomène n’a pas été prouvé par les chercheurs sur les chevaux hétérozygotes Lp.
Les chevaux Lp sont aussi particulièrement sensibles aux uvéites, ils y sont exposés 8x plus que les autres chevaux. Les uvéites non traitées peuvent créer une cécité, le cheval devient aveugle de l’oeil atteint. On recommande donc un suivi régulier et rigoureux à ce niveau.
Ce gène est très apprécié sur le continent américain, il existe d’ailleurs un grand projet de recherche autour du Lp qui oeuvre depuis 2013 pour mieux l’étudier et le comprendre. Mais ce gène ne s’est pas développé par le biais de la reproduction contrôlée, puisque le Lp a été retrouvé en 2011 sur des échantillons ADN de chevaux préhistoriques. D’ailleurs, certaines peintures préhistoriques présentent des chevaux tachetés.
Le gène Lp a toute une palette de déclinaisons possibles
Rubican, encore un mystère
Le rubican, ou rabicano en anglais, donne visuellement un rouan qui se limiterait au sommet de la queue et aux flancs. L’expression du rubican est plus ou moins forte, et peut donner un semblant de rayures sur les flancs.
Si visuellement il fait penser au rouan, génétiquement il n’a à priori aucune familiarité avec le gène Rouan, il en est bien distinct. Par contre, le rubican semble étroitement lié au gène Sabino.
Les chercheurs observent que le Rubican semble évoluer avec l’âge du cheval, plus il vieillit plus le gène rubican est visible. Il agit donc comme G en détruisant les pigments, et non comme W en empêchant dès le départ la pigmentation. Cette présomption mérite plus de recherches car le rubican est lié au sabino qui, lui, agit comme W et non pas comme G.
Galloway Hot Peppers, Pur Sang Arabe rubican
Les risques de santé liés au pie
Comme évoqué plus haut, il ne faut pas croiser deux Overo, deux Tovero ou deux Balzan ensemble. D’une manière générale, il faut se méfier du gène W et pour s’assurer d’un poulain viable on ne croisera ses reproducteurs très colorés qu’avec des robes sans blanc.
Il faut savoir que la répartition des tâches a son importance pour les gènes pies, comme pour le gène W. Si les yeux sont dans une tâche blanche de la tête du cheval, ils seront bleus et donc particulièrement photosensibles. C’est-à-dire qu’ils sont sensibles aux rayons lumineux, le soleil leur crée un inconfort voir carrément des lésions et des uvéites.
Si les oreilles du cheval sont dans une tâche blanche de la tête, elles ne sont pas pigmentées également et certaines études ont noté que cette non pigmentation peut altérer les fonctions auditives. Comme les chiens, un cheval qui une seule oreille blanche peut avoir une audition qui n’est pas symétrique, voire être sourd de l’oreille non colorée.
Enfin, sous les tâches blanches, la peau est rose comme pour les chevaux blancs issus du W. On assurera une protection et un suivi rigoureux à ces chevaux pour les protéger du soleil à cause des risque que nous avons déjà évoqués.
Pfiou, ça en fait des possibilités dans la génétique des couleurs ! Nous avons vu au cours de cet article 9 nouveaux gènes. Mais ce n’est pas fini ! La prochaine fois nous développerons les gènes modificateurs : Sooty, Silver, Champagne, Mushroom, Pangaré, Bringé…
Ca sera le dernier article de cette longue série sur les bases de la génétique des robes et des maladies liées.
Bonus partie 3
- Quiz
On a vu beaucoup de choses ensemble sur cet article ! Qu’en avez-vous compris ?
- La suite
Prêt(e) pour la dernière partie de notre article ?
Bases de la génétique des couleurs et des maladies liées (partie 2)
Ca y est, nous rentrons dans le vif du sujet ! Nous allons étudier les vrais gènes responsables des différentes robes de chevaux. Certains agissent sur les poils, d’autres sur les crins, et d’autres sur les deux.
Les gènes sont comme une imprimante, qui vont définir la couleur du cheval. Ils n’ont pas beaucoup de cartouches de couleurs à leur disposition, seulement un pigment noir-marron et un autre pigment jaune-rouge. Toutes les robes des chevaux sont une déclinaison, une altération ou une destruction de ces deux pigments, savamment dosés par les gènes.
Je vais m’en tenir à ma version simplifiée pour vous expliquer les mécanismes de ces gènes. L’IFCE (institut français du cheval et de l’équitation) s’est aventuré dans des explications plus détaillées qui sont, je trouve, trop confusantes pour une première approche de la génétique et qui surtout ne sont pas indispensables pour faire ses propres de choix de reproduction (et encore moins si vous voulez juste approfondir votre culture équestre !). Mais si vous voulez creuser le sujet, vous pouvez aller bien plus loin dans l’étude de la génétique.
Par contre, maintenant que la méthode de transmissions est acquise on va introduire les minuscules pour les gènes ne s’exprimant pas !
Trêve de parlotte, on s’attelle aujourd’hui aux gènes de pigmentation et de dilution !
Les gènes de pigmentation : le dosage des deux pigments
Error 404 color not found, tu seras donc alezan
Saviez-vous qu’il existe une couleur “par défaut” du cheval ? Si le cheval est très pauvre en gènes de couleur et n’a rien à exprimer, il sera alezan. Il n’y a donc pas de “gène alezan” à proprement parler, c’est la conséquence de la non expression d’autres gènes de couleur.
Le cheval est visuellement alezan, mais il cache peut-être des choses dans sa génétique : des gènes de couleur qui ne peuvent pas s’exprimer sur l’alezan ou pas à l’état hétérozygote (un seul élément sur la paire de chromosomes). Par contre, ces gènes cachés pourront être transmis aux poulains, et s’exprimer visuellement sur eux.
L’étalon hanovrien For Pleasure, élu cheval du siècle en 2003, est un bel exemple d’alezan
Noir en extension
Le gène noir s’appelle “extension” et est noté E, il est donc dominant et s’exprime de façon hétérozygote.
C’est à dire :
- E/e : cheval noir
- E/E : cheval noir, qui transmettra forcément un gène noir à la reproduction et n’aura donc jamais de poulain alezan
- e/e : cheval alezan
Ka Noon Rej, étalon Pur-Sang Arabe, Noir Homozygote
Les gènes de dilution : éclaircissement des pigments
Les gènes de dilution agissent sur les poils et/ou les crins du cheval, en les éclaircissant avec plus ou moins de force.
Le bai, travail en équipe du noir et de l’agouti
Le gène bai s’appelle “agouti” et est noté A, il est donc dominant et s’exprime de façon hétérozygote.
On a longtemps pensé que ce gène assombrissait les extrémités du cheval, c’est à dire en rendant les jambes et les crins noirs sur un cheval alezan, mais c’est génétiquement faux ! En réalité c’est l’inverse qui se produit puisque l’agouti éclaircit le corps d’un cheval noir vers le marron … ce qui veut dire que l’agouti ne fonctionne QUE sur le noir, il ne s’exprime QUE lorsque le cheval est porteur du gène Extension.
Un cheval porteur même homozygote (2 exemplaires) d’agouti ne sera donc pas bai s’il n’a pas au moins un gène Extension (noir).
C’est à dire :
- E/e A/a : cheval bai
- E/E A/a : cheval bai
- E/e A/A : cheval bai
- E/E A/A : cheval bai
- e/e A/a : cheval alezan
- e/e A/A : cheval alezan
Crépuscule, étalon Franches-Montagnes bai
Avec les gènes Extension et Agouti, nous avons donc 3 possibilités : l’alezan, le noir et le bai, qui sont considérés comme les robes de base. On peut appliquer d’autres gènes de couleur sur ces 3 robes de base, et notamment d’autres gènes de dilution :
La crème de la crème
Le Crème noté CR est un gène qui s’exprime même à l’état hétérozygote sur les poils et aussi sur les crins. Son action est renforcée à l’état homozygote : on aura un cheval plus clair avec 1 gène Crème, mais on aura un cheval vraiment dilué avec 2 gènes Crème ! La génétique n’est-elle pas magique ?
Il agit sur la couleur de base du cheval, on n’a pas les mêmes résultats quand on applique un ou deux gènes crèmes selon que le cheval est de base alezan, noir ou bai.
Voyez le pouvoir de la génétique … 3 robes de base, le gène Crème en 1 ou 2 exemplaires, 6 résultats possibles !
Visuellement, il n’est pas toujours facile de distinguer quelle est la robe de base sur un double crème, voilà pourquoi un typage ADN (en envoyant un échantillon de crins avec bulbe à un laboratoire spécialisé) se révélera fort utile si on veut reproduire de la couleur.
Les double crèmes sont à la mode aux Etats-Unis mais le marché européen est plus frileux à cause de la fragilité de ces chevaux. En effet, la double dilution donne un cheval à la peau rose (au lieu de grise) et aux yeux très clairs. Les forts taux d’ensoleillement sont donc un problème pour ces chevaux, qui développent des coups de soleil, des brûlures et des uvéites. Un aménagement de leur lieu de vie et une protection adaptée sont donc indispensables.
Dazzling, xPSL palomino
Quirino Black, DS smoky black
Ari, Mustang isabelle
Magician GF, DS cremello
Duc, PRE smoky cream
Multicouture, xAES perlino
Pearl : une vraie perle … ou pas
Le pearl … n’en fait qu’à sa tête ! Ce gène est un squatteur car il ne s’exprime pas indépendamment mais squatte la place du gène Crème. C’est du moins ce que les chercheurs pensent, car ce gène est difficile à étudier et est rare. Il est noté prl et est récessif, il doit être en deux exemplaires pour s’exprimer ou se trouver en présence d’au moins un gène Crème en combinaison duquel il peut s’exprimer visuellement.
Dans cette configuration pearl homozygote ou pearl + crème, on obtient un cheval qui … ressemble en fait beaucoup à un homozygote Crème ! Ils sont donc exposés aux mêmes problèmes liés au soleil qu’eux.
Pearl of Peace EV, PRE homozygote Pearl
Champagne sans bulle
Le gène Champagne est noté CH et est dominant. Qu’il soit à l’état hétérozygote ou homozygote, le poulain nait avec une peau rose très claire et des yeux bleus ou verts, qui s’assombrissent légèrement en grandissant.
Le Champagne donne une couleur doré, qui est visuellement difficile à distinguer du Pearl. Les chevaux Champagne profitent, en général, de cet éclat dans la robe qui les rend si attrayants.
Etant donné que la peau rose des chevaux Champagne s’assombrissent en grandissant (sans pour autant devenir grise !), ils paraissent moins sensibles au soleil que les double crèmes.
Le gène Champagne fonctionne avec le gène Crème, les deux peuvent s’exprimer de concert et donnent aux chevaux des robes féériques. Le Champagne fonctionne aussi avec le Dun (voir ci-dessous).
Dun, gène préhistorique
Le Dun est noté D_ et est dominant. C’est un des gènes primitifs de l’espèce équine, il est présent chez le cheval sauvage de Przewalski et était déjà représenté sur les peintures préhistoriques retrouvées dans des grottes.
C’est un gène de dilution puisqu’il éclaircit la robe de base du cheval, mais pas seulement. Le gène Dun fait apparaitre une raie de mulet, et peut aussi être responsable de zébrures sur les membres du cheval. Le Dun agit peu sur la tête, ce qui donne possiblement au cheval une tête plus foncée que son corps.
Peinture dans la grotte de Lascaux
Hollywood, QH isabelle dun
Le Dun a un vocabulaire qui lui est propre. Si un alezan dun ou un bai dun sont appelés ainsi, certaines déclinaisons ont un nom spécifique : un noir dun se dit grullo, et un palomino dun se dit dunalino.
Visuellement, il n’est pas toujours facile de différencier un isabelle (bai + 1 gène Crème) d’un Bai dun, en particulier quand le bai dun a une raie de mulet discrète et pas de zébrures aux jambes. 2 génétiques différentes, 1 même phénotype !
Isabelle (bai + 1 crème)
Bai dun
Les Fjord sont systématiquement porteurs du gène dun, dans différentes déclinaisons
Le flaxen, gène de la blonditude
Il existe un gène qui agit uniquement sur les crins en les rendant blonds, c’est le flaxen. Il est noté f par la communauté scientifique, et il doit être homozygote (en 2 exemplaires) pour s’exprimer. Ce gène a une autre spécificité : il ne fonctionne qu’en l’absence de gène Extension (noir), uniquement sur un cheval alezan donc.
Un cheval noir peut donc être porteur homozygote (2 exemplaires) du flaxen, il ne l’exprimera pas visuellement mais le transmettra forcément à sa descendance.
Un cheval alezan porteur hétérozygote (1 exemplaire) du flaxen ne l’exprimera pas non plus visuellement, mais peut le transmettre à sa descendance.
Soit :
- E/n f/n : noir et hétérozygote flaxen, peut le transmettre à sa descendance
- E/E f/n : noir et hétérozygote flaxen, peut le transmettre à sa descendance
- E/n f/f : noir et homozygote flaxen, le transmettra forcément à sa descendance
- E/E f/f : noir et homozygote flaxen, le transmettra forcément à sa descendance
- n/n f/n : cheval alezan et hétérozygote flaxen, peut le transmettre à sa descendance
- n/n f/f : cheval alezan crins lavés (enfin la combinaison gagnante !)
Ulk d’Eté, PFS alezan crins lavés
Visuellement, il peut-être difficile de distinguer un cheval palomino (alezan + 1 gène crème) d’un cheval alezan crins lavés (alezan + 2 gènes flaxen). Les deux visuellement donnent un cheval au corps “orangé” avec des crins bien plus clairs. 2 gènes complétement différents qui donnent encore visuellement le même résultat, je vous avais dit que la génétique est fantastique !
Pour un objectif de reproduction de couleurs, mieux vaut faire un typage ADN pour éviter les mauvaises surprises. Certaines races sont forcément alezan crins lavés car le crème est exclu de leur patrimoine génétique, comme chez le Haflinger ou le Trait de Forêt Noire.
Natiello, entier Haflinger
Nous avons donc vu aujourd’hui les gènes Extension, Agouti, Crème, Pearl, Dun et Flaxen. Rien qu’avec ces 6 gènes de pigmentation et de dilution, on obtient une multitude de combinaisons possibles et autant de robes possibles sur le cheval, même si certains phénotypes se ressemblent beaucoup alors qu’ils impliquent des gènes différents.
Pour la prochaine partie, nous verrons tous les gènes liés au gris, au blanc et au pie. Il y a de quoi faire !
Bonus partie 2
- Quiz
Comme pour la première partie, je vous invite à répondre à ce quiz de 10 questions pour s’assurer que les gènes des robes de base et de dilution soient acquis :
- La suite
Prêt(e) pour la suite ? Alors c’est parti pour les gènes gris, blanc et pies
Bases de la génétique des couleurs et des maladies liées (partie 1)
La génétique … vaste sujet qui occupe un grand nombre de chercheurs internationaux notamment pour prévenir les maladies graves chez l’humain.
Mais les animaux ne sont pas en reste, les recherches scientifiques ont permis de comprendre en partie la mécanique d’expression des gènes de couleurs et de leur transmission. Il reste encore beaucoup de points à élucider, certains gènes ont encore des secrets pour la communauté scientifique. Néanmoins, un certain panel de gènes est déjà connu, ça va être mon challenge de vous l’expliquer en termes simples !
Les robes des chevaux sont codées dans leur génétique, elles sont donc transmissibles. Il est ainsi possible de déduire la robe d’un poulain à naître d’après la génétique de ses parents. Connaître la robe d’un poulain à naître n’est pas qu’une question de goût mais aussi une question de santé, car certaines maladies sont liées à l’absence ou la présence de certains gènes de couleurs.
Cet article est TRES long, je l’ai découpé en plusieurs parties pour être plus digeste. Chaque partie se termine par un quiz de 10 questions, il s’agit de voir si vous avez compris ou si des erreurs reviennent souvent, auquel cas il faudra que je reformule mes explications !
Généralités de la génétique
En rang par deux
La génétique est écrite sur l’ADN. Cette ADN est construite avec des chromosomes, qui portent des informations : les gènes.
Je reformule : les particularités des individus viennent de leurs gènes. Ces gènes sont écrits sur des chromosomes. Les chromosomes sont dans l’ADN, qui constitue la génétique de l’individu.
Les chromosomes fonctionnent par paire, toujours. S’ils ne sont pas par pair il y a de gros problèmes engendrés, c’est le cas par exemple de la trisomie chez l’humain, où une paire compte 3 chromosomes au lieu de deux.
Les chromosomes fonctionnent par paire donc, et sont porteurs ou non d’information par le biais des gènes. Les informations portées peuvent être différentes entre les deux chromosomes d’une même paire, c’est-à-dire qu’un chromosome peut porter des gènes différents de son binôme.
— Pour vous le représenter simplement, imaginez un petit train avec des rangées de deux places. Sur chaque rangée il peut avoir 0 personne installée, 1 personne ou 2 personnes sur la même rangée. Le petit train c’est l’ADN, les rangées par deux sont les chromosomes et les personnes assises ou absentes sont les gènes —
Lorsqu’un gène n’est pas sur la paire de chromosomes, on dit que le gène est absent et que le sujet n’est pas “porteur” du gène
Lorsqu’un gène est sur un seul élément de la paire de chromosomes, on dit qu’il est hétérozygote.
Lorsqu’un gène est sur les deux éléments de la paire de chromosomes, on dit qu’il est homozygote.
— Non porteur d’un gène : le gène n’est sur aucun exemplaire de la paire de chromosomes
Porteur d’un gène : le gène est sur 1 ou deux éléments de la paire de chromosomes
Hétérozygote : gène en 1 exemplaire sur la paire de chromosomes
Homozygote : gène en 2 exemplaire sur la paire de chromosomes —
Expressif ou pas
Les gènes ne s’expriment pas tous de la même façon.
Certains ne s’expriment que s’ils sont homozygotes, c’est à dire portés sur chacun des deux éléments de la paire.
Certains n’ont besoin que d’un seul élément sur la paire pour s’exprimer.
J’entends par s’exprimer = être visible sur le cheval. Les chevaux peuvent porter une multitude de gènes mais n’en exprimer physiquement et visuellement qu’une partie. Nous verrons plus bas qu’un cheval peut très bien être porteur du gène bai et du gène crins lavés et n’être physiquement et visuellement qu’alezan “classique”. Il pourra par contre avoir des poulains bai ou alezan crins lavés.
Comprenez donc bien que le physique du cheval, scientifiquement appelé phénotype, ne reflète donc pas en totalité sa génétique, les gènes dont il est porteur. Il peut donc transmettre lors de la reproduction des gènes de couleur qu’il n’exprimait pas visuellement et qu’on ne lui soupçonnait pas, ce qui peut être une bonne comme une mauvaise surprise autant sur le plan de la couleur que de la santé.
— Génétique : ensemble des gènes
Phénotype : gènes exprimés physiquement, visuellement —
Dominant ou récessif
Les gènes n’ont pas non plus tous le même poids.
Lorsqu’une paire porte deux informations différentes sur chacun des chromosomes, c’est l’information la plus forte qui va s’exprimer.
Le gène qui va s’exprimer au détriment d’un autre est appelé dominant.
Le gène qui va se faire oublier en faveur d’un gène dominant est appelé récessif.
— Gène dominant : s’exprime dans tous les cas
Gène récessif : ne s’exprime que s’il n’est pas en présence d’un gène dominant —
Règles d’écriture
Pour pouvoir écrire simplement une génétique, on utilise des lettres et parfois même des chiffres.
— C’est comme pour mon petit train. Si je veux parler de la “place de gauche au quatrième rang”, je vais l’écrire par exemple 4/A —
Chaque gène est représenté par une ou plusieurs lettres de l’alphabet.
On utilise avec ces lettres un codage en majuscules et minuscules. On écrit en majuscules les gènes dominants, et en minuscules les gènes récessifs.
L’absence d’un gène est notée par le gène majuscule écrit en minuscule… ce qui peut donner de sacrées confusions avec les gènes récessifs ! Je préfère donc l’un des systèmes anglosaxons, avec lequel l’absence d’un gène se note “n”, ainsi pas d’erreur possible.
J’utiliserai ce système de notation tout au long de mon article pour vous aider à la compréhension des bases de la génétique des gènes de couleur, ce qui vous suffira pour vos choix de reproduction et lire les résultats d’un test ADN. Si vous souhaitez par contre continuer dans l’étude génétique scientifique, il vous faudra appréhender le système de notation dans sa globalité. Bon courage =p
— Imaginons un gène “paillettes” codé par la communité scientifique “Plt”, qui est dominant hétérozygote et porté par mon cheval en 1 seul exemplaire.
Cette paire de chromosomes pour ce gène s’écrira ainsi pour ce cheval : PLT/n
Etant donné que ce gène s’exprime même en 1 seul exemplaire sur la paire de chromosomes, mon cheval sera physiquement et visuellement à paillettes (trop cool !!) —
Chaque gène a son écriture …/…. L’expression des différents gènes de couleur d’un même cheval se fait par succession d’écriture de paires …/…, …/…, …/…
Reproduction, avec un gène hétérozygote expressif
Comme les autres espèces, un poulain hérite de 50% des chromosomes de son père, et 50% des chromosomes de sa mère.
— Reprenons mon petit train, et imaginons une épée géante qui le coupe sur toute sa longueur. Le reproducteur va transmettre soit tous les sièges de gauche de son petit train à sa progéniture, soit tous les sièges de droite. Le poulain hérite donc d’une moitié de train de sa mère, et d’une moitié de son père, ce qui fait son propre petit train —
Les chromosomes sont porteurs des gènes. En héritant d’un chromosome de chacun de ses parents, le poulain hérite donc des gènes que portent ces chromosomes.
A-t-on 50% qu’un poulain hérite de la couleur de ses parents ?
— Imaginons que mon cheval à paillettes cité plus haut est un entier, que je souhaite reproduire avec une jument qui n’a pas le gène paillettes (bouh la moche !). J’ai 1 chance sur 2 d’obtenir un poulain à paillettes, car le gène est expressif à l’état hétérozygote (un seul exemplaire sur la paire) —
Démonstration de mon exemple :
Mon entier est PLT/n et ma jument est n/n sur le gène Paillettes. Chacun des deux reproducteurs transmet au poulain un seul chromosome de sa paire. Je sais déjà que la jument ne transmettra pas le gène Paillettes puisqu’elle n’en est pas porteuse. Tout repose donc sur les épaules de mon mâle qui va transmettre soit son chromosome porteur de PLT et mon poulain sera à paillettes, soit son chromosome non porteur n et mon poulain sera sans paillette (remboursé !!).
J’augmente mes chances si je prends une jument à paillette qui soit aussi PLT/n, là j’ai 75% de chance d’obtenir un poulain à paillettes et 1 chance sur 4 qu’il soit homozygote (et aura donc une descendance 100% à paillettes !). Il y a aussi 25% de chance que mon poulain n’ait pas du tout le gène paillettes, c’est le jeu de la génétique…
Ma seule façon d’être sûre d’avoir un poulain à paillettes, est que l’un de mes reproducteurs soit homozygote sur le gène paillettes, c’est-à-dire PLT/PLT, car il transmettra ainsi forcément un PLT. J’ai donc dans cette configuration 100% de chance d’avoir un poulain à paillettes, même si l’autre parent n’est pas porteur de ce gène.
Reproduction, avec un gène expressif homozygote
Je peux m’assurer un 100% dans mon exemple précédent car mon gène paillettes s’exprime même quand le sujet n’a qu’un seul exemplaire du gène sur la paire de chromosomes. Mes chances s’amenuisent si le gène que je vise ne s’exprime qu’à l’état homozygote, soit devant être porté en deux exemplaires sur la paire : chacun de mes deux chromosomes doit porter le gène.
— Imaginons un gène “fluo” codé “fuo” par la communauté scientifique (qui doit bien se foutre de moi s’ils sont en train de lire mes exemples !) qui ne s’exprime qu’à l’état homozygote, soit en fuo/fuo —
Je prends un entier et une jument qui ne sont visuellement pas fluo, mais je sais grâce à un typage ADN qu’ils sont porteurs hétérozygotes du gène fluo. Ils sont donc tous deux “fuo/n”. Dans ces conditions, j’ai 1 chance sur 4 que mon poulain soit visuellement fluo
Si ce n’est pas très clair à ce stade, pas de panique. Ca va devenir plus concret au fur et à mesure que nous explorons les gènes de couleur des chevaux, les vrais cette fois !
Bonus 1ère partie
- Quiz
Pouvez-vous m’aider à améliorer cet article ? Je vous propose un quiz de quelques questions sur cette 1ère partie, afin de m’assurer que le fonctionnement global est compris. Si je vois que certaines questions posent régulièrement problème, je reformulerai mes explications dans l’article pour être plus claire !
- La suite
Prêt pour la suite ? Au programme : les gènes de pigmentation et de dilution !
Les protections de travail créent-elles une surchauffe du tendon ?
Protéger ou fragiliser ? Enquête sur les risques liés à la surchauffe sous les protections
D’après une étude en 2017 sur les hippodromes, 82% des blessures qui surviennent sur les chevaux sont au niveau des membres, dont 46% sur les tendons fléchisseurs ou ligament suspenseur. C’est une réelle inquiétude, puisque 70% des chevaux blessés aux membres ne réatteignent pas leur niveau d’avant blessure (réf.1).
On comprend donc l’empressement de protéger les membres des chevaux lors des efforts dans les disciplines où cela est autorisé. En effet dans plusieurs disciplines, le type et la taille des protections des membres sont réglementés, voir interdites à cause de dérives maltraitantes pour améliorer les performances sous la douleur.
La chaleur est naturelle
Protéger les membres des chocs pour limiter les blessures paraît donc la meilleure solution. Malheureusement se faisant on coupe le système naturel de refroidissement, et gare à la surchauffe. En effet lors de l’effort, les muscles sont davantage sollicités et augmentent leur consommation énergétique. 75% de l’énergie créée lors de l’effort se transforme en chaleur, qui est évacuée par la peau. Jusqu’ici, tout va bien.
Mais lors de sports équestres, on mène le cheval athlète au maximum de ses capacités d’effort, et l’évacuation de la chaleur ne peut se faire assez vite. Elle est en plus perturbée par l’équipement, qui bloque l’évacuation de la chaleur et l’accumule sous les zones couvertes. Au niveau des membres, la chaleur créée dans les canons du cheval se retrouve stockée sous les protections de travail.
La température globale du cheval augmente donc, or la chaleur à des températures excessives est destructrice. D’après les études (réf. 2), lorsque la température interne atteint les 45°C dans le noyau central du tendon et se maintient pendant 10 minutes, 91% des cellules survivent. Lorsque la température est poussée à 48°C, seulement 22% des cellules survivent. Ce qui ne veut pas dire qu’elles sont perdues à jamais.
Les cellules répondent à un cycle. Certaines ne renouvellent très vite, comme celles de la peau ou de l’intestin, d’autres le sont très lentement et c’est le cas des cellules musculaires. Certaines ne se renouvellent pas du tout, comme les cellules nerveuses et cardiaques. On comprend donc que perdre 9% des cellules musculaires lors d’une exposition de 10 minutes à 45°C est inquiétant, et il est dangereux d’altérer 78% des cellules avec une exposition de 10 minutes à 48°C.
La question est donc, atteint-on ces températures au niveau des tendons du cheval à l’effort qui expliqueraient le nombre de blessures au niveau des membres ? Les protections des membres sont-elles finalement plus des fragilisateurs et des accélérateurs de blessures ?
Impact thermique des protections au travail quotidien
Une étude a été mené sur le sujet en 2014, « effet des bandes et guêtres sur la température de la peau au niveau du métacarpe des chevaux, au repos et après l’exercice » (ref. 3).
Cette étude a été menée sur 10 chevaux, qui sont 4 hongres et 6 juments donc 7 chevaux de sang, 2 poneys et 1 arabe. Ils ont entre 7 et 20 ans, la moyenne d’âge est de 12 ans.
Les prises de températures ont été réalisées grâce à un capteur près de la peau ainsi qu’à des clichés thermographiques via une caméra thermique. Elles sont réalisées au repos, puis après un travail de 20 minutes en longe (5 minutes de pas et 5 minutes de trot à chaque main).
Voici les températures obtenues avec les capteurs :
en °C | Membre nu | Avec guêtre | Avec bande |
Au repos | |||
Minimum | 6.14 | 7.53 | 7.82 |
Maximum | 14.06 | 15.31 | 15.33 |
Après le travail | |||
Minimum | 6.96 | 15.50 | 18.21 |
Maximum | 14 | 20.57 | 24.84 |
Et celles obtenues avec la caméra thermique :
en °C | Membre nu | Avec guêtre | Avec bande |
Au repos | |||
Minimum | 8.63 | 11.68 | 11.57 |
Maximum | 10.86 | 13.69 | 13.65 |
Après le travail | |||
Minimum | 8.8 | 13.34 | 14.71 |
Maximum | 12.45 | 17.57 | 18.47 |
(l’étude détaille les températures en distinguant membres gauches et droites. Par souci de confort de lecture du tableau, je me suis permise de faire la moyenne des deux étant donné que ce n’est pas la dysmétrie potentielle de ces 10 chevaux qui nous intéresse aujourd’hui)
Les chercheurs concluent qu’au repos, les différences entre membres nus et membres avec guêtre ou bande sont peu significatives. Les écarts sont par contre plus grands au travail, et ils aimeraient faire des recherches plus poussées et en augmentant l’effort demandé aux chevaux pour d’autres conclusions.
Mon analyse
Cette recherche ne prouve donc pas grand-chose, si ce n’est que oui la température augmente pendant l’exercice, elle augmente davantage sous une guêtre et encore davantage sous une bande. Cette augmentation de la température est-elle dangereuse ?
Nous avons vu plus haut que la détérioration des cellules commence à 45°C au cœur du tendon, or nous avons ici des mesures prises à la surface de la peau. J’ai donc cherché quel était l’écart moyen entre les deux (je suis un peu étonnée que l’étude n’aille pas jusque-là d’ailleurs), et la réponse est venue de Wilson et Goodship qui en 1994 ont établi que le cœur du tendon était plus chaud de 5.4°C en moyenne que la température de la peau.
Nous avons donc de quoi faire des comparaisons à présent. Si on considère la mesure la plus chaude de l’expérience précédente, soit la mesure maximum enregistrée après le travail avec des bandes de 18.47°C, cela correspondrait à une température de 23.87°C au cœur du tendon … soit très loin des 45°C qui peuvent altérer les cellules !
On en conclut donc qu’on ne flingue pas un cheval en 20 minutes de longe avec des bandes, la température est même si peu haute qu’une fragilisation possible est difficilement envisageable. Mais qu’en est-il lors d’effort plus intense ?
Impact thermique des protections lors d’efforts soutenus
En 2017, un groupe de recherches que j’ai déjà cité pour ces statistiques (réf. 1) a mené son étude sur les « changement de températures chez le cheval à la surface de la peau sous une protection de membre après exercice ».
Ça partait d’une question intéressante, puisque les chercheurs voulaient calculer les différences de températures selon les types de protections de membres et leurs matériaux, au cours d’une séance de travail quotidienne avec 10 minutes de marche, 5 minutes de trot, 2.5 minutes de galop puis 5 minutes de marche.
Malheureusement, cette recherche a été mal menée. Ils étaient équipés d’un thermomètre infrarouge avec une précision de plus ou moins 1.5°C, ce qui justement n’est vraiment pas précis ! Les conditions météo n’ont pas du tout été prises en compte, puisque certains chevaux ont fait leur exercice de l’étude dans un manège couvert à 5°C alors que d’autres étaient dehors dans le vent et l’humidité par -6°C et n’ont pas pu faire la phase de galop à cause du verglas et de la neige. Enfin, la prise de température se faisait après la phase de récupération de 5 minutes au pas et non pas au moment du pic d’effort.
La différence de température qu’ils ont trouvée est donc assez moindre et, de leur propre conclusion, mérite des recherches plus approfondies.
Heureusement, une étude plus poussée a été réalisée sur le sujet en 2013 (réf. 4), et s’intéresse également aux différences de températures selon les modèles de protection utilisés.
Après une petite étude « maison » sur 4 chevaux avec travail léger pour mettre en place leur protocole de recherche, la véritable étude s’est déroulée sur 130 chevaux d’une épreuve de cross d’un concours complet CIC*. Pour être exacte, sur deux épreuves distinctes de cross : une sur 3000 mètres avec 25 obstacles à 1 mètre, et l’autre sur 3000 mètres avec 24 obstacles à 110. Les résultats étaient si proches sur les deux épreuves que les chercheurs les ont compilés pour faciliter la lecture.
Pendant l’étude préalable, les chercheurs ont équipé les 4 chevaux de deux marques sélectionnées de protection pour harmonier les résultats. Cela n’a pas été possible pendant le concours où bien sûr l’importance de l’échéance nécessitait que les cavaliers et chevaux concourent avec leur matériel habituel. Les chercheurs ont compté 21 types de protections différentes, qu’ils ont classés en 4 catégories :
- Les guêtres fermées classiques
- Les guêtres fermées “respirantes”, perforées
- Les guêtres ouvertes sur le devant (type « protège tendon »)
- L’absence de guêtre (pour 2 chevaux)
La prise de température à la fin de l’épreuve se faisait juste après la ligne d’arrivée, sur la jambe gauche uniquement par souci de gain de temps. La guêtre était retirée juste avant la prise de la température, réalisée à l’aide d’un thermomètre laser.
Il y avait une petite différence de température entre les guêtres ouvertes type « protège-tendon » et les guêtres traditionnelles fermées, mais ce sont les guêtres fermées respirantes et perforées qui ont permis le mieux de limiter la prise de chaleur. Néanmoins les températures des membres sous les guêtres respirantes restent bien plus élevées que pour les deux chevaux concurrents sans protection aux membres.
Les résultats sont les suivants :
Types de guêtres | Moyenne T°C du membre | Minimum | Maximum |
Guêtres fermées traditionnelles | 32.33 | 29.3 | 36.5 |
Guêtres fermées respirantes | 28.33 | 25.6 | 32.6 |
Guêtres ouvertes (protège-tendon) | 31.1 | 28.9 | 33.4 |
Sans protection | 21.7 | 21.2 | 22.2 |
Déjà, on remarque que les guêtres « respirantes » sont en effet plus efficaces que les protèges-tendons dans la limitation de la hausse de la température. Jusqu’ici ce n’étaient que des arguments marketing avancés par les commerciaux sans réelle étude à l’appui, leur efficacité est ici démontrée.
Les chercheurs s’arrêtent ici dans l’étude, en concluant qu’ils ont besoin de faire des recherches plus poussées et avec un meilleur thermomètre car le leur n’était que dans le calibrage basique commercial et n’a pas été réétalonné pendant l’étude. Ce que j’en comprends, c’est que les résultats sont peu probants et qu’ils se cherchent un peu des excuses…
Mon analyse
Encore une fois, les chercheurs ont mis en avant-propos les dangers d’atteindre les 45°C au cœur du tendon, et s’arrêtent dans leur étude à la prise de température à la surface de la peau…
Je reprends donc la moyenne évoquée dans mon analyse précédente de 5.4°C de différence entre le cœur du tendon et la surface de la peau, pour rendre possible la comparaison.
La plus haute température enregistrée est 36.5°C, sous une guêtre fermée traditionnelle, ce qui correspondrait à 41.9°C au cœur du tendon. Les 45°C du seuil de destruction des cellules semblent donc plus proches.
Avant de céder à la panique, rappelons-nous que j’ai pris la valeur la plus extrême de l’étude. Si on considère la moyenne avec des guêtres « respirantes » de 28.33°C à la surface de la peau soit 33.73°C au cœur du tendon, nous avons plus de 10°C de marge avant l’altération des cellules. De plus, cette étude a été réalisée sur des chevaux qui sortent d’une épreuve de cross d’un CIC*, dont l’effort est considérable.
J’en conclue donc qu’en tant que cavalier de loisirs, on peut protéger les membres de son cheval car les bénéfices retirés à protéger des coups sont bien supérieurs au risque réel de fragiliser par la chaleur. Les études (Réf. 5) ont montré que les guêtres absorbaient 20 à 30% des chocs, leur effet protecteur est donc vérifié. Dans des conditions d’efforts soutenus, on s’assurera d’utiliser du matériel dit « respirant » dont l’efficacité a été prouvée par les chiffres de l’étude sur le CIC*, et d’aider à l’évacuation de la chaleur après l’effort en retirant au plus tôt les protections et en douchant les membres à température ambiante.
La visite vétérinaire d’achat
Merci à nos 131 répondants ! Nous avons un beau panel pour faire notre recherche sur la visite vétérinaire d’achat qui a été faite par le potentiel acquéreur dans 61% des cas dans notre étude.
Profil des acheteurs
4% seulement des acquéreurs de notre étude souhaitent faire de la valorisation et revendre, la grande majorité des achats sont donc faits pour soi-même.
70% des répondants se considèrent comme connaisseurs dans le monde du cheval, 19% comme des professionnels et 11% comme novices. 67% des connaisseurs ont fait faire une visite, comme 48% des acheteurs professionnels et 47% comme des novices.
La moyenne d’âge des acheteurs répondants est de 33 ans, et voici la répartition géographique en France :
Nous avions également 3 répondants en Belgique et 1 au Maroc.
39% des acheteurs choisissent de ne pas faire de visite
Mois d’un vendeur sur 4 tient à disposition du potentiel acquéreur un bilan de santé de l’équidé établi au préalable. Une majorité d’acheteurs trouve cela normal, mais 30% auraient apprécié que le vendeur le fasse.
Pour ceux qui ont choisi de ne pas faire de visite d’achat, 31% (soit presque un tiers des acquéreurs) avait à leur disposition les résultats d’une précédente visite vétérinaire. Ils avaient donc déjà un état de santé du cheval ou poney établi par un professionnel.
Il y a 3 raisons majoritairement avancées par notre panel pour ne pas avoir fait de visite. Premièrement, le fait de connaître le vendeur, ensuite le jeune âge de l’équidé et enfin le choix que quelle qu’aurait été l’issue de la visite, l’acquéreur aurait acheté le cheval ou poney en question.
Nos acheteurs sans visite d’achat ont eu la chance de leur côté puisque 81% n’ont pas été confronté à des problèmes de santé avec leur équidé acheté. Sur notre panel, 9 d’entre vous ont choisi de ne pas faire de visite et des problèmes de santé sont survenus. Parmi ces 9 cas, 5 auraient pu être détectés lors d’une visite vétérinaire (3 avec des radios ou une échographie, 1 avec une prise de sang et 1 avec un test spécifique dédié) mais 4 n’auraient de toute façon pas pu être décelés lors d’une visite vétérinaire.
47% des équidés achetés sans visite sont destinés à la compétition, et 46% d’entre eux avaient déjà les résultats d’une visite vétérinaire précédente. Il y a donc un peu plus de la moitié des acheteurs ayant des objectifs de compétition qui prennent réellement le risque d’acheter un équidé sans aucune visite vétérinaire.
Une majorité des équidés est achetée pour le sport
Sur le panel total des 131 chevaux et poneys achetés entre 2018 et 2022, 82% sont destinés à un travail régulier, dont 32% à la compétition club ou poney et 36% à la compétition Amateur ou Tournée des As. Le haut niveau est aussi représenté puisque 8% de notre panel est destiné à la compétition pro. Le marché du cheval et du poney de sport se porte bien !
58% des chevaux destinés à un travail régulier a été présenté à une visite, et 76% des chevaux destinés à la compétition l’ont été. Les cavaliers réguliers sont donc prudents quant à la santé de leur futur partenaire, et c’est encore plus marqué pour les compétiteurs même quand il ne s’agit que de compétition niveau club.
On peut aussi noter que 18% des équidés achetés sont achetés pour du travail léger occasionnel ou de la reproduction, ce qui laisse une possibilité d’avenir pour tous les chevaux et poneys non aptes au travail régulier.
Le futur propriétaire est donc cavalier, d’un cheval entre 3 et 15 ans
L’âge moyen des chevaux et poneys de notre panel est de 6 ans. 78% des équidés de notre panel ont entre 3 et 15 ans, et est donc en âge de travailler pour encore quelques années au moins. 86% des chevaux sont de cette tranche d’âge sont par ailleurs destinés à travailler régulièrement et 65% à la compétition.
Toujours sur cette tranche d’âge des 3-15 ans, 69% des équidés ont été présentés à une visite vétérinaire par leur potentiel acquéreur, et 33% de ces équidés avaient déjà réalisé une visite vétérinaire dont les résultats étaient portés à la connaissance du potentiel acheteur.
35% des acquéreurs des chevaux de 5-15 ans pour qui le vendeur tenait à disposition les résultats d’une précédente visite vétérinaire ont décidé de ne pas en refaire une. Ce qui signifie que presque 2 tiers des acquéreurs ne se reposent pas sur les résultats d’une précédente visite pour se décider à acheter.
Que les éleveurs se rassurent
18% de notre panel d’équidés à moins de 3 ans, le marché du poulain et très jeune cheval, même s’il est minoritaire, ne peut être ignoré puisqu’il concerne presque 1 vente sur 5. 43% des acheteurs d’un cheval de moins de 3 ans a décidé de faire une visite vétérinaire d’achat.
L’organisation de la visite vétérinaire d’achat
Pour 60% d’entre vous, c’est un vétérinaire à proximité de l’équidé qui a fait la visite, contre 40% de visite avec votre vétérinaire habituel (ou qui va le devenir). Dans la majorité des cas l’acquéreur doit donc faire confiance à un professionnel de santé qu’il connait pas ou peu pour établir le diagnostic de santé de son futur partenaire.
Dans 64% des cas, la visite a lieu chez le vendeur. Elle a lieu en clinique pour 21% des visites et chez l’acheteur dans 15%. Dans 3 visites sur 5 le cheval est donc dans un lieu qu’il connait, mais où le vétérinaire n’a à sa disposition que ce qu’il peut emporter contrairement à la clinique, et l’acheteur ne peut confronter le cheval à son futur habitat en faisant se dérouler la visite chez lui ou dans sa pension.
Le délai de prise de rendez-vous pour une visite d’achat est plutôt long puisqu’en moyenne vous avez attendu plus d’une semaine (7,9 jours) entre votre demande de rendez-vous et le jour de la visite. Sur un marché du cheval aussi tendu que celui de ces dernières années où la demande dépasse l’offre (il n’y a pas assez de poneys et chevaux à vendre pour satisfaire tous les intéressés qui recherchent), ce temps d’attente peut être source d’inquiétude. En effet l’acheteur peut craindre que l’équidé soit vendu à un autre pendant ce temps, par conséquent n’hésitez pas à demander au vendeur de suspendre les visites et les essais pendant ce laps de temps tant que le délai est raisonnable.
79% des potentiels acheteurs étaient présents pour la visite vétérinaire d’achat, et 14% étaient absents mais avaient le rapport en direct du professionnel de santé. Précisons que notre étude s’intéresse à la période 2018 – 2022, qui a connu différentes phases de confinements avec restriction des déplacements et de pénuries de carburants. Le choix de ne pas être présent lors de la visite était donc peut-être plus subi que volontaire.
La visite vétérinaire sous toutes ses coutures
Voici ce qui a été fait en grande majorité lors de vos visites vétérinaires :
- Dans 98% des visites : Etat général, auscultation cardiaque, digestive, examen oculaire, dentaire, vasculaire
- Dans 94% des visites : Palpation des tendons, des articulations, du dos, appréciation des aplombs, de la musculature
- Dans 93% des visites : Examen dynamique au pas et au trot, en cercle et en ligne droite, test de flexion
Il s’agit de la visite d’achat “classique” avec les vérifications habituelles opérées par le vétérinaire.
Une majorité des acheteurs se montre aussi prudents dans la vérification des antérieurs de l’équidé. En effet, le syndrome naviculaire se situe au niveau des antérieurs et se manifeste chez de plus en plus de chevaux ce qui compromet leur avenir sportif.
- Dans 68% des visites : Test planche/pince
- Dans 64% des visites : Radios des pieds antérieurs
Dans plus de 2 visites sur 5, on s’attarde également sur les postérieurs. On cherche ici notamment des traces d’arthrose qui malheureusement ne concerne pas que les sujets âgés.
- Dans 46% des visites : Radios des jarrets
- Dans 44% des visites : Radios des boulets
- Dans 40% des visites : Radios des pieds postérieurs
Quand on fait faire une visite vétérinaire d’achat, faire ou pas des radios est avant tout un choix financier. En effet, chaque cliché coûte cher car il nécessite un appareil coûteux, une protection adaptée du vétérinaire et une formation spécifique à l’imagerie qui n’est pas acquise à vie mais doit être revalidée régulièrement par des stages payants. De plus, la bonne lecture des clichés engage la responsabilité de votre vétérinaire, contre lequel vous pourrez vous retourner si un problème qui aurait pu être détecté sur les radios survient.
Le temps de visite vétérinaire est également plus long lors de la prise de radios. Une visite sans radio dure en moyenne un peu moins d’une heure (51 minutes) alors qu’avec radios la visite dure presque 1h30 en moyenne (87 minutes).
77% des chevaux destinés à la compétition ont eu au moins une radio lors de la visite vétérinaire d’achat, contre 21% des équidés que les acheteurs ne destinent pas à la compétition.
Certains acheteurs ont demandé en complément :
- Dans 11% des visites : Bilan sanguin
- Dans 10% des visites : Radios du dos
- Dans 8% des visites : Echographie des ligaments ou des tendons
- Dans 5% des visites : Sérologie (anémie, piroplasmose…)
- Dans 1% des visites : Echographie osseuse
- Dans 1% des visites : Test ADN (PSSM, test de couleurs…)
Parlons prix
En moyenne sur notre étude, la visite vétérinaire d’achat a été un investissement de 393€.
Pour détailler un peu cette somme, une visite sans radio a été facturée en moyenne 189€ alors qu’une visite avec radios se chiffre à 439€ en moyenne.
Le choix de la clinique permet une visite plus poussée car elle dure plus longtemps, plus d’1h30 en moyenne. Les prix s’en ressentent, puisqu’une visite en clinique a été facturée 560€ en moyenne. 88% des équidés qui ont été emmenés en clinique pour la visite d’achat sont destinés au sport.
L’issue de la visite est favorable dans 90% des cas
Le but de la visite est que le vétérinaire s’exprime sur la comptabilité de la santé du cheval avec les objectifs du futur acheteur. Il émet à l’issue de l’examen sur un rapport écrit un avis favorable sans réserve, un avis favorable avec réserve qu’il précise, ou un avis défavorable.
69% des visites ont été conclues par un avis favorable sans réserve, 21% par un avis favorable avec réserve et 10% avec un avis défavorable.
87% des acquéreurs potentiels ont en effet acheté l’équidé qu’ils ont présenté en visite vétérinaire. Il a été acheté au prix demandé par le vendeur dans 74% des cas, négocié au vue des résultats de la visite vétérinaire dans 7% des achats et négocié sans rapport avec la visite vétérinaire dans 19% des cas.
100% des visites vétérinaires conclues par un avis favorable sans réserve se sont finalisées par une vente, dont 76% sans négociation du prix d’achat.
88% des visites vétérinaires conclues par un avis favorable avec réserve se sont terminées par un achat, au prix original demandé par le vendeur dans 67% dans cas. L’existence de cette réserve ouvre donc davantage le terrain pour la négociation du prix de vente de l’équidé quand l’acquéreur est prêt à prendre le risque de l’achat malgré la réserve du professionnel de santé.
Lorsque le vétérinaire émet un avis défavorable suite à la visite, 100% des acquéreurs ont renoncé à l’achat de l’équidé.
On peut se demander si le fait de faire des radios levait les réserves possibles du diagnostic. 23% des visites avec radios ont été conclues par un avis avec réserve, contre 17% pour une visite sans radio. La différence n’est pas énorme mais elle existe, on peut présumer que la visite sans radio n’engage le vétérinaire que sur l’examen statique et locomoteur alors que la visite avec radio engage davantage sa responsabilité, d’où sa prudence sur son compte rendu. Enfin, il est rare que les chevaux présentent des radios parfaites, notamment parce que certains éleveurs ne s’inquiètent pas de la transmission de l’arthrose juvénile ou du syndrome naviculaire qu’on retrouve chez des juments mises à la reproduction car physiquement inaptes au sport. Les irrégularités qui apparaissent donc sur les radios poussent à émettre des réserves quant à leur évolution.
Une bonne visite est-elle une garantie sur l’avenir ?
Nous avons vu plus haut que 81% des équidés achetés sans visite faite par l’acheteur (mais avec dans un tiers des cas l’existence d’une visite vétérinaire préalable). Ceux qui ont fait faire une visite ont eu moins de chance puisque 64% des équidés achetés n’ont pas eu de soucis de santé par la suite.
Parmi ceux qui ont déclaré des problèmes de santé, presque deux tiers (64%) n’aurait pu être décelé avec une visite vétérinaire d’achat plus poussée.
Les acquéreurs ont acheté l’équidé avec certains objectifs. Pour 23% du panel, l’achat est trop récent pour se positionner sur la réalisation ou non de ces objectifs. Pour les autres, les objectifs ont été atteints dans 82%, ils ont même été dépassés dans 32% des cas.
Pour ceux qui n’ont pas pu accomplir leurs objectifs, la santé de l’équidé est en cause dans 65% des cas, pour d’autres facteurs que la santé dans 29%. Dans 6% des cas, les objectifs n’ont pas été atteints pour des raisons indépendantes du cheval (la santé de l’acheteur, les contraintes budgétaires, professionnelles, familiales…).
Augmente-t-on nos chances de remplir nos ambitions avec une visite véto ? Et bien malheureusement la réponse est non, puisque les ambitions sont plus hautes. Nous avons vu plus haut qu’une majorité des équidés présentés à la visite véto étant destinés à la compétition, les ambitions sont donc plus dures à satisfaire. Ces ambitions de compétition ont tout de même étaient atteintes voire dépassées pour 79% de notre panel d’acheteurs. Les objectifs ont été atteints dans 76% des cas suite à une visite vétérinaires d’achats, et dépassés dans 29% des cas. Le fait que la visite ait inclus des radios n’augmentent pas le taux de satisfaction des ambitions de l’acheteur. Faire une visite vétérinaire d’achat avec ou sans radio n’est donc pas une garantie sur l’avenir sportif de l’équidé.
Conclusion
Faut-il alors se passer de la visite vétérinaire d’achat, si elle génère des frais sans donner plus de garanties sur l’avenir du cheval ?
La visite reste vivement recommandée, car seul l’examen d’un professionnel de santé saura détecter certaines anomalies et prévenir l’acquéreur des problèmes qui pourraient survenir.
Plus vos ambitions sont grandes, plus la visite vétérinaire devra être complète. Les radios représentent un coût mais donnent une visibilité qu’aucun examen statique ou dynamique ne saurait remplacer.
Grâce aux avancées technologiques et de recherche, nous prenons la mesure de la fréquence des maladies comme les uvéites, l’arthrose juvénile, le syndrome naviculaire, la PSSM… qui sont autant de pathologies qui nécessiteront un suivi particulier et peut compromettre l’utilisation régulière du cheval.
La visite vétérinaire devrait donc s’adapter et proposer une visite “de base” plus complète ou au moins expliquer à l’acquéreur la liste des examens possibles et ce qu’ils permettront de déceler. L’acheteur pourrait ainsi choisir quelle part de risque il est prêt à prendre, selon le budget qu’il souhaite consacrer à la visite vétérinaire.
Les éleveurs ont aussi un rôle à jouer, en étant bien plus consciencieux dans le choix des reproducteurs. Le modèle et les performances ne suffisent pas, des tests de santé minimum devraient être requis. Comment se fait-il qu’autant de tests soient exigés chez les reproducteurs chiens et chats alors qu’aucun ne l’est chez les chevaux, alors que la valeur et les ambitions sportives allouées à ces derniers sont bien supérieures ?
D’autant plus que presque 80% des éleveurs ont moins de 2 juments à la reproduction (source IFCE), faire faire les tests à leur jument et sélectionner des étalons testés serait un investissement en temps et en argent raisonnable pour un grand gain en qualité de la production.
Remerciements
Je tiens à nouveau à remercier l’ensemble des participants à cette recherche, j’espère que cet article vous présentant les résultats vous a plu et vous a donné envie de participer aux prochaines enquêtes. J’attends vos avis en commentaires !